Briefing 69 / Africa 3 minutes

République centrafricaine : relancer le dialogue politique

L’échec du président François Bozizé et de son entourage à concrétiser les engagements pris lors du Dialogue politique inclusif en décembre 2008 risque d’aggraver la situation sécuritaire en République centrafricaine (RCA) et provoquer l’écroulement du processus de réconciliation nationale.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

Synthèse

L’échec du président François Bozizé et de son entourage à concrétiser les engagements pris lors du Dialogue politique inclusif en décembre 2008 risque d’aggraver la situation sécuritaire en République centrafricaine (RCA) et provoquer l’écroulement du processus de réconciliation nationale. Ces pourparlers ont utilement contribué à une réduction du niveau de violence et permis la programmation de réformes structurelles de long terme. Le début de l’intégration des dirigeants rebelles au sein de la vie politique, les prises de décisions par consensus ainsi qu’une série d’accords concrets – notamment sur le désarmement des groupes rebelles et la réforme du secteur de la sécurité – ont été des étapes décisives dans la stabilisation de la situation politique. Afin de s’assurer que ces gains ne soient pas réduits à néant par une nouvelle crise, le président doit abandonner l’intransigeance dont il a fait preuve pendant la majeure partie de 2009, et le gouvernement doit impérativement résoudre les nouveaux conflits dans le Nord-Est et préparer des élections crédibles. Faute de quoi, les donateurs devront retirer au régime leur soutien financier.


Depuis le coup d’Etat de François Bozizé en mars 2003, la RCA s’est montrée incapable de briser le cercle vicieux entretenant conflit et pauvreté dont elle souffre depuis si longtemps. Les élections de 2005, jugées relativement libres et équitables, n’ont pas pu empêcher des rébellions d’éclater peu après dans le Nord du pays. Il aura fallu deux ans de négociations difficiles entrecoupées de périodes de violences pour préparer le Dialogue politique inclusif. L’événement s’est en lui-même bien passé. La participation du camp présidentiel, des opposants politiques, de la plupart des groupes rebelles, de la société civile et de l’ex-président Ange-Félix Patassé, a joué un rôle essentiel dans la réconciliation de ces camps depuis longtemps antagonistes. Les principaux participants, qui avaient pour objectif la conservation ou l’acquisition du pouvoir, sont finalement parvenus à une position commune pour la reconstruction politique et économique du pays.

 

Les partis d’opposition ont abandonné l’espoir de voir un véritable changement de régime se matérialiser et se sont contentés de réformes institutionnelles et politiques, parmi lesquelles la création d’un nouveau gouvernement de consensus. Les groupes rebelles ont accepté de se désarmer en échange de positions dans les institutions publiques. Le régime a accepté de démocratiser la gestion des affaires de l’Etat et a permis aux autres partis d’avoir leur mot à dire dans l’organisation des élections législatives et présidentielles. Ange-Félix Patassé, désireux de rejoindre la scène politique nationale, a pour la première fois reconnu la légitimité de son ancien chef d’état-major, François Bozizé, comme président élu.

 

Malheureusement, cette démonstration d’ouverture politique s’est arrêtée en début d’année 2009. Ayant apparemment jugé que la tenue des pourparlers lui donnait suffisamment de légitimité, en particulier vis-à-vis des bailleurs, François Bozizé a choisi de former un gouvernement aussi inféodé à son pouvoir que son prédécesseur et a fait modifier unilatéralement la loi électorale, pour favoriser sa réélection. L’opposition a quant à elle mené un combat difficile tout au long de l’année afin de sauvegarder les concessions obtenues lors du dialogue, et maintenir un minimum d’influence au sein de la Commission électorale indépendante (CEI). L’entêtement manifesté d’un côté comme de l’autre a finalement provoqué le report de la création de la CEI et risque de rendre la tenue d’élections en début d’année 2010 techniquement impossible.


Le dialogue politique avait prévu un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) en vue de mettre fin aux rébellions dans le nord, mais les intérêts personnels des chefs rebelles ont fini par retarder la mise en œuvre du programme et provoquer la frustration des combattants sur le terrain. Dans le Nord-Ouest, les affrontements restent rares mais les populations continuent de souffrir et sont incapables de reprendre leurs activités quotidiennes. Dans le nord-est, la décision du gouvernement de déléguer la tâche du maintien de la sécurité à l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) de Zacharia Damane, a ravivé d’anciennes rivalités ethniques et provoqué la création de deux nouveaux groupes armés. On assiste ainsi à une recrudescence des violences car les rebelles veulent renforcer leurs positions à la table des négociations tandis que le gouvernement continue pour sa part à privilégier une solution strictement militaire.


Toutes les parties présentes aux négociations avaient convenu qu’une profonde réforme du secteur de la sécurité (RSS) était indispensable pour donner à l’Etat les moyens de protéger sa population. Les nouvelles incursions de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) – à l’origine une insurrection ougandaise – en RCA depuis le mois de mai 2009, ainsi que son accès quasiment libre au Sud-Est du pays, ont à nouveau illustré l’incapacité des forces armées à faire régner l’ordre sur l’ensemble du territoire. Le régime Bozizé semble trop soucieux du sort que lui réserveront les prochaines élections et trop peu concerné de ce qui se passe en dehors de la capitale, Bangui, pour investir le temps et les efforts nécessaires à la stabilisation du pays. Tant que le gouvernement continuera à ne pas respecter l’esprit et la méthode du consensus qui ont caractérisé le dialogue inclusif, et tant qu’il maintiendra son refus de changer son mode actuel de gouvernance, la reforme du secteur de la sécurité demeurera bloquée et le manque de sécurité continuera d’entraver les efforts menés pour rétablir l’autorité de l’Etat et la tenue d’élections transparentes et crédibles.

Nairobi/Brussels, 12 Janvier 2010

Overview

The failure of President François Bozizé and his close circle to follow through with many of the concessions agreed on during the Inclusive Political Dialogue risks exacerbating the many conflicts in the Central African Republic (CAR) and stalling national reconciliation. Those December 2008 talks made a valuable contribution to both reducing levels of violence and shaping the long-term reform agenda. The promised integration of rebel leaders into civilian political life, the precedent of decision-making by consensus and a concrete set of agreements that included rebel disarmament and security sector reform were welcome steps towards greater stability. To ensure these gains are not undone by another political crisis, however, the president must abandon the uncompromising attitude he displayed through much of 2009 and the government must quickly resolve new conflicts in the north east and prepare credible elections. Otherwise, donors should suspend financial support to a regime that is largely dependent on foreign aid.

Since Bozizé’s coup in March 2003, the CAR has been unable to break the cycle of conflict and poverty in which it has laboured for so long. Elections in 2005, judged relatively free and fair, did not prevent rebellions breaking out in the north directly afterwards. It took two years of difficult negotiations interspersed with more violence to prepare the Inclusive Political Dialogue, but the event itself went relatively well. The participation of the presidential camp, opposition politicians, most rebel groups, civil society and ex-President Ange-Félix Patassé fulfilled a necessary condition for reconciling former adversaries. The main participants all sought to retain or acquire state power, but they arrived at a common plan for political and economic reconstruction.

Opposition parties let go their hopes for regime change and settled for governance reforms, including a new consensus government. Rebel groups affirmed their readiness to disarm in return for roles in state institutions. The regime agreed to open up management of state affairs and allow others a say in organising legislative and presidential elections. For the first time, Patassé, who is keen to rejoin the political scene, acknowledged his former chief of staff, Bozizé, as the legitimate president.

Bozizé’s show of political openness, however, came to an abrupt end in early 2009. He apparently judged that holding the talks gave him the legitimacy, especially with donors, to choose a new government as loyal as its predecessor and make unilateral changes to the electoral law that favour his re-election. The opposition fought hard during the year to keep the foothold it gained at the dialogue and secure some influence in the Independent Electoral Commission. However, stubbornness on both sides postponed that body’s creation and risked making credible elections in early 2010 a technical impossibility.

The dialogue endorsed a disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for ending the rebellions in the north, but the self-interested demands of rebel leaders have delayed implementation and raised frustration among fighters on the ground. In the north west, clashes are rare but the people still suffer, unable to rebuild their lives. In the north east, the government’s authorisation of Zacharia Damane’s Union of Democratic Forces for Unity (Union des forces démocratiques pour le rassemblement, UFDR) to maintain security has awakened old tribal rivalries and provoked the formation of two new armed groups. Violence is on the rise, as rebels try to bolster their negotiating positions and the government remains set on pursuing a military solution.

All parties to the talks agreed extensive security sector reform (SSR) is needed to give the state the means to protect rather than endanger the population. The re-entry of the Lord’s Resistance Army (LRA) – originally a Ugandan insurgency – into the CAR in May 2009 and its almost free range in the south east exposed again the army’s inadequacy. The Bozizé regime appears to care too much about winning elections and too little about what happens outside Bangui, the capital, to invest the necessary time and effort in the long-term stabilisation of the whole national territory. Until the government respects the spirit and method of consensus in which the dialogue was held and makes genuine changes in governance, SSR in particular will drag, and insecurity will hamper any efforts to establish state authority in the provinces or hold credible nationwide elections.

Nairobi/Brussels, 12 January 2010

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.