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Somalie : Avaler la Pillule

Synthèse

Plus de treize ans après la chute du régime de Siad Barre, la Somalie demeure le seul pays au monde dépourvu d'un gouvernement, illustration classique des répercussions humanitaires, économiques et politiques de l'effondrement d'un Etat, et notamment du vide de pouvoir dont peuvent profiter des groupes terroristes comme refuge, ainsi qu'à des fins logistiques. Pour que la paix soit réalisable, l'Autorité régionale Intergouvernementale pour le Développement (IGAD) doit commencer par mettre un terme à ses propres divisions internes. Les Etats-Unis et l'Union Européenne doivent s'engager davantage pour atténuer les rivalités régionales ou celles-ci continueront d'alimenter un conflit de basse intensité et de faire en sorte qu'aucun gouvernement opérationnel n'accèdera au pouvoir.

A ce jour, la réponse internationale s'est avérée tiède et insuffisante. L'attention principale s'est portée sur le processus de paix parrainé par l'IGAD et mené par le Kenya. Mise à part une récente rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’IGAD censée lancer la troisième et dernière phase, les discussions n’ont guère progressé depuis janvier 2004. A moins que ces derniers et leurs partenaires occidentaux passifs n'agissent de concert, le processus mourra, entraînant un regain de tensions en Somalie et différant indéfiniment tout semblant de gouvernement.

Une stratégie réussie nécessitera du temps pour harmoniser les approches divergentes des Etats voisins, traiter des problèmes structurels, procurer des moyens internationaux de pression sur les acteurs concernés, traiter de la dette contractée par le processus de paix, et dresser un budget et un calendrier réaliste pour la suite de la conférence.

L'IGAD souhaite aborder la troisième et dernière phase des pourparlers, mais dans la mesure où ces lacunes fondamentales ne sont pas d'abord prises en compte, l'échec est assuré. Après environ un an et demi de négociations byzantines, savoir ce qui a été convenu et par qui, est loin d'être clair. La charte de transition (qui fournit en apparence un cadre juridique à la formation d'un parlement et d'un gouvernement fédéral) a été signée le 29 janvier 2004 par seulement 8 des 39 dirigeants invités à Nairobi, et depuis la moitié des signataires se sont rétractés. Plusieurs chefs de faction sont revenus en Somalie et ont menacé de lancer une conférence parallèle tandis que des centaines de délégués somaliens se languissent dans des hôtels kenyans au frais de l'Etat, alimentant des factures onéreuses.

Les rivalités profondes et persistantes entre les Etats de la région ont compromis la paix, alimenté et aggravé la crise somalienne. Djibouti a brièvement suspendu sa participation aux négociations en septembre 2003. Remarquablement calme et accusée d'agir en détracteur depuis novembre 2003, l'Ethiopie vient seulement d'indiquer au Kenya (et ICG) qu'elle allait se réinvestir pleinement dans le processus. Le Kenya ne dispose pas des moyens internationaux de pression lui permettant d’atténuer les divergences régionales, et les Etats-Unis et d'autres ont rarement levé le petit doigt en soutien.

Les violations de l'embargo sur les armes mis en place par le Conseil de Sécurité en 1992 et celles de l'accord de cessation des hostilités d'Eldoret d'octobre 2002 restent impunies. L'Italie, ancienne puissance coloniale avec un record inégal d'engagement, est le seul donateur occidental à dépêcher un envoyé aux négociations. L'inaction de Washington accroît le risque que ses alliés et intérêts dans la région deviennent la cible du terrorisme. A défaut d'un engagement des Etats membres, l'UE (la Commission) endossent le poids financier le plus important pour subvenir aux besoins humanitaires et de réhabilitation.

En poussant le processus sans en corriger ses travers, l'IGAD et ses partenaires se dirigent en Somalie vers un autre accord de paix mort-né. Pour sauver les pourparlers l'IGAD doit d'abord surmonter ses propres divisions internes et assurer une participation plus vaste ainsi qu'une réappropriation somalienne du processus. Ses Etats membres doivent faire preuve d'un véritable leadership en faisant respecter l'embargo sur les armes et prendre l'initiative de mettre en place un régime de sanctions ciblées à l'attention des contrevenants. Les Etats-Unis et l'UE doivent se réinvestir, à un niveau supérieur, pour aider à aplanir les divergences régionales et à soutenir plus directement le processus. Et les leaders somaliens doivent revenir à une table de négociations revigorée, en s'y engageant davantage. C'est seulement dans la mesure où ces conditions sont réunies qu'il sera possible de restaurer un véritable gouvernement.

Nairobi / Bruxelles, le 4 mai 2004

Executive Summary

Over thirteen years after the collapse of the Siad Barre regime, Somalia remains the only country in the world without a government, a classic example of the humanitarian, economic and political repercussions of state collapse, including a governance vacuum that terrorist groups can take advantage of for safe haven and logistical purposes. If peace is to be attainable, the regional Inter-Governmental Authority on Development (IGAD) must end its own internal divisions. The U.S. and EU need to provide more active support to heal the regional rivalries or they will continue to fuel a low-intensity conflict and ensure that no functioning government comes to power.

The international response to date has been tepid and insufficient. The principal focus has been upon the peace process sponsored by IGAD, led in this instance by Kenya, but talks have reached a critical stage, stalemated since January 2004, with foreign ministers to meet soon to decide next steps. Unless they and their passive Western partners act collectively the process will die, causing tensions in Somalia to intensify and any semblance of functioning governance to be deferred indefinitely.

A successful strategy will have to allow time for harmonising divergent approaches of neighbouring states, addressing structural issues, bringing international leverage to bear on the relevant actors, dealing with the debt incurred by the peace process, and creating a realistic budget and timeline for the remainder of the conference.

IGAD is eager to move ahead to the third and final phase of the talks, but unless these fundamental flaws are addressed first, failure is certain. After nearly a year and a half of Byzantine negotiations, it is far from clear what has been agreed and by whom. The transitional charter -- signed on 29 January 2004 and which ostensibly provides the legal framework for forming a transitional federal parliament and government -- was signed by only eight of the 39 leaders invited to Nairobi, and half the signatories have since disowned the agreement. Several faction leaders have returned to Somalia and threatened to launch a parallel conference while hundreds of Somali delegates languish in Kenyan hotels at public expense, running up large bills.

Deep and persistent rivalries among regional states have undone the peacemaking and done much to sustain and aggravate the Somali crisis. Djibouti briefly suspended its participation in the talks in September 2003. Ethiopia, noticeably cool and accused of acting as a spoiler since November 2003, has only recently indicated to Kenya (and ICG) that it will reengage fully in support of the process. Kenya lacks leverage to bridge the regional differences, and the U.S. and others have barely lifted a finger in support.

Violations of the UN Security Council's 1992 arms embargo and the October 2002 Eldoret cessation of hostilities agreement continue to go unpunished. Italy, a former colonial power with an uneven record of engagement, is the sole Western donor with an envoy at the talks. Washington's inaction increases the risk its interests and allies in the region will be victimised by terrorism. In the absence of member state engagement, the EU (Commission) is shouldering the greatest financial burden for humanitarian and rehabilitation needs.

By pushing the process forward without correcting its flaws, IGAD and its partners are setting the stage for yet another stillborn Somali peace accord. To save the talks IGAD must first overcome its own internal divisions and ensure wider participation and Somali ownership of the process. Its member states must show genuine leadership in enforcing the arms embargo and take the initiative in establishing a targeted sanctions regime aimed at spoilers of the process. The U.S. and EU must reengage at a higher level both in helping to resolve regional differences and in supporting the process more directly. And Somali leaders must return to reinvigorated talks with more commitment. Only when these strands come together will it be possible to restore a functioning government.

Nairobi/Brussels, 4 May 2004

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