Report 31 / Middle East & North Africa 2 minutes

La Concorde civile : Une initiative de paix manquée

La guerre civile entre l'armée algérienne et la guérilla islamiste, déclenchée par le refus des militaires de reconnaître la victoire électorale du Front Islamique du Salut (FIS) en 1991, n'est pas finie.

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Synthèse

La guerre civile entre l'armée algérienne et la guérilla islamiste, déclenchée par le refus des militaires de reconnaître la victoire électorale du Front Islamique du Salut (FIS) en 1991, n'est pas finie. L’adoption de la loi sur la Concorde civile proposée par le président Bouteflika en avril 1999, approuvée par un référendum populaire en septembre 1999, et soutenue par les dirigeants du FIS, n’est pas parvenu à convaincre une grande partie des maquisards de rendre les armes et à ramener la paix civile. Aucune solution politique durable au conflit islamo-militaire n'a été trouvée  et la crise menace de s'étendre à d'autres secteurs sociaux.

La loi sur la Concorde civile avait pourtant créé une vraie dynamique de paix en 1999.  Initialement, les dirigeants du FIS avaient accordé publiquement leur soutien à la démarche du président en échange d'un certain nombre de mesures promises par les dirigeants militaires,  telles que la libération des prisonniers et la possibilité de créer un nouveau parti politique conforme à la Constitution de 1996. Mais en novembre 1999, Abdelkader  Hachani,  numéro trois du FIS, est assassiné et les deux autres  cheikhs du FIS remis en résidence surveillée. Jusqu'à aujourd'hui, le pouvoir continue de refuser de légaliser le parti Wafa, considéré comme l'héritier du FIS.

Malgré leur supériorité militaire et malgré l’évolution du discours islamiste, le pouvoir algérien n'a donc pas modifié sa logique sécuritaire et  considère  toujours  les  islamistes  plus  comme des ennemis vaincus que comme des interlocuteurs politiques. Pour le régime, la réhabilitation d’un parti islamiste populaire constituerait pourtant la meilleure stratégie pour combattre le radicalisme des groupes armés du GIA et du GSPC[fn]Groupe islamiste armé et Groupe salafiste pour la prédication et le combat.Hide Footnote  et en même temps pour regagner un peu de légitimité en acceptant le jeu démocratique. Les derniers groupes armés islamistes ne manqueraient  de perdre progressivement l’appui ou le soutien d’une partie de l'électorat de l’ex-FIS, et seraient progressivement marginalisés, avec une possibilité, à l’instar du Sentier Lumineux au Pérou, de les mener à leur propre autodestruction. En échange  de l'acceptation d'un retour sur la scène politique des islamistes, les dirigeants de l’ex-FIS doivent bien entendu publiquement s'engager à accepter les règles du jeu démocratique.

Les acteurs internationaux ont peu de moyens de pression sur le gouvernement algérien pour qu'il accepte la libéralisation politique nécessaire au retour de la paix dans le pays. Confortablement installée dans une économie de rente pétrolière, l'élite dirigeante est peu perméable à des pressions économiques ou politiques. Farouchement jalouse de sa souveraineté, elle refuse toute ingérence extérieure dans ses affaires. D'ailleurs les institutions internationales considèrent de façon surprenante que l'Algérie répond à leurs critères de performances économiques.

Pourtant la crise politique, économique et sociale est  profonde  et  le  statu  quo  ne  peut   continuer. Longtemps définie comme un problème islamo- militaire, la violence menace maintenant de  prendre d'autres formes. Les récentes émeutes en Kabylie montrent qu'il peut y avoir résurgence de conflits identitaires qui pourraient venir s’ajouter aux revendications socio-économiques, avec de possibles conséquences de déstabilisation régionale. Dans ce contexte, il devient clair que le discours sécuritaire de répression anti-islamiste de l’armée ne peut plus fonctionner et que l’insatisfaction populaire devant l’incapacité du régime à faire face à ses autres responsabilités politiques, économiques et sociales ne va faire que grandir, fournissant à terme un terrain favorable aux groupes armés. Or si le problème posé par les groupes islamistes peut aujourd'hui trouver une solution par des choix politiques courageux de part et d'autre, les "sous conflits" dérivés du manque de perspective politique évident seront autrement plus compliqués à résoudre.

La communauté internationale doit renoncer à l'illusion qu'un régime autoritaire peut par la répression répondre au désir de changement exprimé par sa population. Il est urgent de trouver des solutions durables à la crise et de faire cesser l'impunité, de reconnaître la bombe sociale et économique que représente l'Algérie et la possibilité de flux migratoires énormes et de déstabilisation régionale qui s'ensuivrait.

Bruxelles, 9 juillet 2001

Executive Summary

The civil war between the Algerian army and Islamist guerrillas, sparked by the refusal of the military to recognise the electoral victory of the Islamic Salvation Front (FIS) in 1991, is not over. The Civil Concord Law, proposed by President Bouteflika in April 1999, approved by referendum in September the same year, and supported by the leaders of the FIS, has failed to convince the majority of the guerrillas to give up their arms and seek peace. No lasting political solution to this Islamist-military conflict has been found and the crisis threatens to spread to other parts of the community.

The Civil Concord law did create a genuine dynamic for peace in 1999. At first, the leaders of the FIS gave their public support to the President’s initiative, in exchange for certain promises by the military regime, notably the release of prisoners and the possibility of creating a new political party in accordance with the 1996 constitution. But in November 1999, Abdelkader Hachani, number three in the FIS leadership, was assassinated and two other FIS leaders were put under house arrest. To date the regime continues to refuse to legalise the Wafa party, regarded as the political heir to the FIS.

Despite their military superiority and the evolution of the Islamist position, Algeria’s rulers have not altered their security strategy and continue to regard the Islamists more as defeated enemies than political interlocutors. For the regime,  however, the rehabilitation of a popular Islamist party would be the best strategy for combating the radicalism of armed groups such as the GIA (Armed Islamic Group) and the GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), while also regaining a little legitimacy by playing the democratic game. If it did so, the last of the armed Islamist groups would likely progressively lose support from the ex-FIS electorate and could be gradually alienated with the possibility, like the Shining Path Movement in Peru, head towards self-destruction. In exchange for the regime’s acceptance of the Islamists’ return to the political scene, the leaders of the ex-FIS would have to engage in public debate, playing by democratic rules.

There are few options for the international community to pressure the Algerian government to accept the political liberalisation needed to bring peace to the country. Comfortably supported  by  oil industry income, the elite leadership is almost impervious to economic or political pressure. Fiercely protective of their sovereignty, they reject any external interference in their affairs.  Moreover, international institutions have stated  that Algeria’s recent economic performance corresponds surprisingly well to their financial criteria.

Yet the political, economic and social crisis is omnipresent, and the status quo cannot continue. Long defined as an “Islamist-military”  problem, the violence now threatens to take other forms. The recent riots in Kabylia (Berber dominated area) show that there is a risk of resurgence of ethnic conflict which could exacerbate the socio- economic turmoil, and which could in turn lead  o regional instability. In this context, it is clear that the security rhetoric of anti-Islamist repression by the army cannot function, and popular dissatisfaction with the inability of the regime to face its other political, economic and social responsibilities will do nothing but improve conditions for the armed groups. If the problems posed by the armed Islamist groups cannot be solved soon with courageous political choices by both sides, the “sub-conflicts” stemming from the apparent lack of political prospects will be even more difficult to resolve.

The international community must abandon the illusion that an authoritarian regime can, successfully, respond to the desire for change expressed by the population, with repression. A lasting solution to the crisis must be  found urgently. Algeria is a social and economic time- bomb, capable of generating huge waves of migration and regional destabilisation.

Brussels, 9 July 2001

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